Le Piot-Chan, le saboteur
Le Piot-Chan (de Piot : petit, Chan : sorcier), chassé par l’afflux incessant des paysans, il a pris le maquis dans les jardins, là où jadis s’étendaient les prairies verdoyantes.
Depuis des siècles, il continue son combat dérisoire en sabotant les paisibles plates-bandes de choux et poireaux, les rangées de radis et carottes, les alignements d’épinards, les plans de fraisiers, les bouquets de persil.
Ennemi juré du jardinier
Il est l’ennemi juré du jardinier qui l’a dépossédé, il roussit de son souffle glacé les frêles fleurs précoces, gèle les premières tigelles, les bourgeons, repique inlassablement des mauvaises herbes là où le sarcloir est passé. Il attire par le chant de sa flûte taupes, campagnols, mulots, souris dans les champs et les jardins, le loir au verger ; pousse ses troupeaux de limaces au milieu des plus tendres salades ; harangue les esprits des Hargnes, les exhortant à crever nuages grêleux par-dessus cerisiers roses et pommiers blancs ; rassemble les étourneaux dans la vigne, les merles aux merisiers ; invite Dame Gel à brouter la fine verdure…
Et à coups de sifflets aigus, il amène cohortes de chenilles, pucerons et insectes affamés parmi les allées de l’enclos fleuri et la précieuse roseraie où il encourage l’armée grouillante, caparaçonnée, à jouer de la mandibule, à sectionner de la cisaille les racines et les fruits, laissant sur la treille, la pulpe et la pétale la marque noire de son ire éternelle !